Aix-en-forêt
Reconstitution historique d'une grange monastique du 12e siècle en Normandie
Introduction
Aix-en-Forêt est un groupe d'évocation médiévale à tendance réaliste. Notre contexte est celui d'une grange monastique, (c’est-à-dire une exploitation agricole dépendant d'une abbaye, dont elle met les terres en valeur) forestière, puisque nous exploitons les ressources de la forêt, dans la seconde moitié du XIIe siècle normand. Pour être plus précis nous sommes en 1175 dans le comté de Perche et sommes rattachés à l'abbaye de la Trappe.
La plupart de nos activités ont lieu sur le terrain privé (Lotbinière, Québec, Canada) d'un des membres du groupe. C'est un très beau site boisé bordé par des champs et nous disposons d'une "véritable" grange depuis la construction d'une cabane à sucre comportant un minimum d'anachronismes. Nous pouvons ainsi y entreposer les biens du groupe et y dormir au chaud en toute saison. Mais le principal avantage demeure le haut niveau d'authenticité que cette nouvelle demeure nous permet d'atteindre.
Pourquoi la Normandie?
La situation géopolitique tout à fait particulière de la Normandie en fait un lieu extrêmement riche culturellement. Les français d'origine avaient une culture en partie celte. Ensuite, les Normands (Northmen, ou Viking), grands envahisseurs de la Normandie, se sédentarisèrent après le Traité de St-Clair-sur-Epte en 911, faisant de Rollon le premier Duc de Normandie. En 1066, Guillaume dit le Conquérant, alors duc de Normandie, envahit l'Angleterre et en devient seigneur et roi. La Normandie, jusqu'alors française, devient anglaise politiquement parlant. Plusieurs seigneurs possèdent des terres des deux côtés de la Manche et "mélangent" les cultures. Le Perche possède ainsi plusieurs cultures dans son patrimoine, ce qui nous permet non seulement d'avoir accès à un répertoire de référence plus vaste, mais aussi nous laisse beaucoup de latitude dans le choix de nos costumes, mobilier et accessoires.
Il faut savoir aussi que la servitude, i.e. sorte d'esclavage par lequel un serf lié à la terre de son seigneur, très répandue dans presque toute la France, est très rare en Normandie. La plupart des paysans sont donc des hommes libres. Une autre raison, plus gourmande, conforte notre choix géographique. En effet, au XIIe siècle, le beurre est encore peu répandu en France mais bien implanté en Normandie. Et nous imaginerions mal nos repas sans le fameux beurre au miel...
Pourquoi une grange forestière?
Il faut dire qu'à Aix-en-Forêt, nous avons fait les choses à l'envers. Le choix d'un contexte a été dicté par le choix du terrain, par le tempérament calmes des membres et par le non intérêt de l'aspect militaire. En effet, lorsque l'on dispose d'un terrain boisé sur lequel au départ il n'y a rien, il est plus difficile de croire que nous sommes des gens rattachés à un château ou des bourgeois d'une ville.
Étant dans la forêt et possédant déjà un Frère, nous nous sommes orientés vers l'aspect religieux, et plus précisément la grange forestière d'une abbaye. Nous avons trouvé l'abbaye cistercienne de la Trappe, qui "occupe un site solitaire au milieu d'un forêt parsemée d'étangs. Fondée en 1140 par les bénédictins, rattachée en 1147 à Cîteaux. [...] Elle a donné son nom à ceux des monastères cisterciens qui, comme elle, adoptèrent cette règle plus rigoureuse, et dont les religieux forment l'ordre des Cisterciens trappistes, strictement contemplatif, contrairement à l'ordre de Cîteaux." [Guide Michelin Normandie]
Nous avons donc recréé à Aix-en-Forêt ce qu'aurait pu être la grange forestière de l'abbaye de la Trappe : un mode de vie simple, axé sur le travail, sous la protection de l'abbaye, à quelques lieux de là. Nous sommes Frères convers, laïcs ou simples passants. Au fil des années, l'avancement de nos recherches a précisé notre contexte, et même qu'à un certain niveau, toutes nouvelles découvertes ne faisaient que confirmer notre choix.
Cependant, nous avons quelque peu triché sur le contexte, en couplant à notre grange forestière la fonction d'hospice, c'est-à-dire l'accueil des voyageurs. En effet, l'abbaye est pratiquement à mi-chemin, dans un axe est-ouest, entre Paris et le Mont-St-Michel, populaire lieu de pèlerinage. Ainsi est né le besoin de créer une étape pour les voyageurs. Nous accueillons donc les voyageurs, pèlerins, marchands itinérants, riches bourgeois et des chevaliers en route ou de retour de Terre sainte. Ils sont Normands, Bretons, Gallois, Celtes, Ibères ou viennent de plus loin encore, pour notre plus grand plaisir lorsqu'ils nous narrent leurs voyages. Ces voyageurs souvent n'ont pu se rendre avant la nuit à Montagne au Perche, à 10 lieues (40km) de l'Abbaye, ou encore font détour par chez nous afin de partager avec nous nos légendaires veillées, abondantes qu'elles sont de bonne chair, de bons vins et de bonnes chansons ! Mais l'accueil de visiteurs n'est pas tout ! Il y a fort à faire tous les jours !
Pourquoi 1175?
"Dans la plupart des esprits, le Moyen Age tout entier s'identifie à deux siècles : le XIIe et le XIIIe. Les cathédrales, les croisades, les universités, les ordres mendiants, saint Louis, Frédéric Barberousse, St-François d'Assise, les grandes institutions, les principaux mouvements médiévaux, les personnages les plus caractéristiques y ont pris place et leur accumulation en quelques deux cents ans a donné à ces temps une unité rétrospective." [Histoire religieuse de l'Occident médiévale, p. 269]
L'Occident connaît au XIIe siècle une explosion intellectuelle et artistique qui dépasse désormais les seules enceintes des abbayes. Des romans, tels Le Roman de la Rose, La Chanson de Roland et Le Morte d'Arthur, deviennent populaires parmi toute la population à travers les récits des conteurs. Les cathédrales poussent partout en France, les arts se raffinent. Nulle grande calamité ne vient troubler la paix du peuple, qui désormais peut s'accorder plus de temps à vivre et non pas uniquement à survivre.
Le contexte politique
En 1175, le Duc de Normandie est aussi le roi d'Angleterre, c'est Henri II Plantagenêt. Notre comte, celui de Perche, est Roitou III.
Petite histoire politique de la Normandie
- La province romaine de deuxième Lyonnaise, constituée au IIIe siècle autour de Rouen comprend neuf cités : Rouen, Bayeux, Avranches, Évreux, Sées, Lisieux, Coutances, Lillebonne et Exmes.
- L’organisation du royaume mérovingien fait des sept premières des comtés du royaume de Neustrie et l’évangélisation les met au rang d’évêchés.
- Les Vikings ou Normands apparaissent avant 800 et pillent la région en remontant les fleuves côtiers, la Seine et ses affluents tout au long du IXe siècle malgré le pont fortifié de l’Arche (édit de Pîtres, 864).
- L’implantation des Bretons de Salomon en Cotentin (867) ayant montré son efficacité contre les vikings, on imagine de sédentariser une tribu normande par des concessions territoriales qui en feraient les défenseurs du pays.
- 911 : Le traité de Saint-Clair-sur-Epte donne au chef norvégien Rollon les comtés de Rouen, Lisieux et d'Évreux, moyennant son hommage à Charles le Simple et le baptême.
- 924 : Le roi Raoul doit concéder à Rollon les diocèses de Sées, du Mans et de Bayeux pour que celui-ci lui prête à son tour l'hommage.
- 933 : Le fils de Rollon, Guillaume Longue épée négocie son propre hommage en échange des diocèses de Coutances et d'Avranches où il doit en chasser les bretons. La Normandie correspond alors à l'ancienne province romaine de deuxième Lyonnaise et est définitivement érigée en duché sous Richard II (+ 1026).
- La romanisation linguistique des normands se fait très rapidement, le parler de la région conservant tout un vocabulaire nautique d'origine scandinave.
- Le duché passe aux descendants directs de Rollon jusqu' à Robert le Magnifique (+ 1035).
- Son fils illégitime Guillaume le Bâtard fait face à une crise politique de succession, puis restaure le pouvoir ducal dont la solidité lui permet d'accepter, vers 1050, la promesse d'héritage que lui fait son cousin le roi d’Angleterre Edward le Confesseur.
- 1050 : Guillaume le bâtard épouse Mathilde, fille de Baudouin V, comte de Flandre
- A la mort de celui (5 janvier 1066), Guillaume conduit en Angleterre une expédition, défait à Hastings (14 octobre 1066), son concurrent le comte Harold, qui s’était rapidement fait élire roi, et se fait couronner à Westminster. Cet épisode est décrit par la Tapisserie de la reine Mathilde.
- Le coeur de l’état nouveau demeure la Normandie. La file aînée de Guillaume, dit alors le Conquérant, Robert Courteheuse, reçoit le duché, le cadet Guillaume le Roux, le royaume insulaire. Le troisième fils Henri Beauclerc (+ 1135) succède à son aîné Guillaume, mort en Croisade (2 août 1100), puis se saisit de la Normandie en écrasant son cadet Robert à Tinchebray (1106).
- Robert mourra en prison en 1134. Son fils Guillaume Cliton sera l’homme de Philippe Auguste dans la succession de Flandre .
- Le Naufrage de la Blanche Nef (1120) prive Henri 1er Beauclerc de son unique fils et héritier. Veuve en 1125 de l’empereur Henri V, sa fille et héritière Mathilde épouse en 1128 Geoffroy Plantagenêt, héritier d’Anjou.
- Geoffroy (+ 1151) puis son fils Henri IIs doivent affronter Etienne de Blois (+ 1154) qui hérite de l’Angleterre par sa mère Adèle, fille du Conquérant.
- Celui-ci fini par reconnaître Henri II comme successeur (1154). Ce dernier se trouve donc maître de l’Angleterre, de la Normandie et de l’Anjou alors qu’il vient d’épouser (1152) la duchesse Aliénor d’Aquitaine .
- L’État Plantagenêt dont la Normandie constitue le pivot et le point le plus fort ne dure que jusqu'à la conquête du duché (1202-1204) et de l’essentiel de l’Aquitaine (1214) par Philippe Auguste.
- Celui-ci a l’intelligence de ne pas bouleverser les institutions normandes et confirme le rôle de l'Échiquier, ce qui garantit la prospérité de la Normandie capétienne durant tout le XIIIe siècle.